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Artiste : TAKANA ZION

Album : Human Supremacy

Label : Soulbeats Records

Sortie : 04/06/2021

Genre : Reggae

Takana Zion prolonge l’héritage africain du Reggae légué par Bob Marley.

Pourquoi se rendre encore à l’heure actuelle à Kingston pour enregistrer un album reggae, quand tant d’instrumentistes talentueux sur tous les continents savent jouer cette musique à la perfection ?
La réponse s’impose d’elle-même en écoutant « Human Supremacy », le nouveau disque du Guinéen Takana Zion (sortie 4 Juin 2021 – Soulbeats Music) et le sixième de sa carrière internationale. Certaines façons de faire groover les morceaux n’existent mystérieusement que là-bas. Peut- être parce qu’au-delà de la note, du sens inné du reggae, de l’expérience acquise par les musiciens et de la complémentarité instinctive entre les protagonistes, il y a un autre élément. Intangible. Un exemple ? Jah Rastafari, la seule chanson avec laquelle Takana est arrivé en Jamaïque – les autres sont nées sur place.

La tournerie hypnotique est jouée avec une énergie qui rappelle le classique African Postman de Burning Spear dans son interprétation live propice à la transe. D’autant qu’au micro, l’artiste guinéen cite en soussou, une des langues de son pays, quelques versets du Psaume 77 (ou 78, selon la version de la Bible) : « Il choisit David, son serviteur, et il le tira des bergeries. Il lui fit quitter les brebis qui allaitent pour être le pasteur de Jacob, son peuple, et d’Israël, son héritage. Et il en fut le pasteur avec un cœur pur. »

« Human Supremacy » est le troisième album que Takana Zion, 35 ans, a enregistré sur l’île natale de Bob Marley. Pour concevoir les deux premiers, « Rasta Government » paru en 2011 et « Good Life » cinq ans plus tard, il n’y avait passé qu’une dizaine de jours au plus. Cette fois, il a voulu s’accorder du temps, prendre plus d’un mois pour donner forme et vie aux onze morceaux dans les locaux incontournables du studio Mixing Lab, l’un des hauts lieux du reggae. Changer de démarche a eu « un grand impact » dans la façon d’aborder la musique, juge Takana. Il s’est imprégné plus en profondeur des vibrations du pays. Lui que l’on surnomme le « Sizzla africain » depuis ses débuts discographiques au Mali en 2007, en raison de son style vocal, s’est lié d’amitié au fil des années avec celui qui fait donc figure de référent, Sizzla Kalonji. Notamment en Guinée où, à l’initiative de Takana, l’auteur de Mama Africa est venu pour un concert en 2015.

À Kingston, où ils ont à nouveau passé du temps ensemble, les deux artistes se sont associés sur un titre : Energy, l’un des moments forts de « Human Supremacy ». Encore un morceau au groove particulièrement efficace ! A son palmarès, le chanteur africain peut se targuer d’avoir collaboré avec nombre de pointures du reggae, comme Capleton (en 2011) ou encore Bunny Wailer (en 2016), l’un des trois Wailers originaux qui vient de rejoindre le royaume de Jah en mars 2021. Tragiquement, à la fois en raison du Covid meurtrier et parce que le vieillissement n’épargne pas les vétérans avec lesquels Takana aime travailler, plusieurs membres de l’équipe réunie sur « Human Supremacy » n’ont pas vu le projet aboutir. À commencer par Sam Clayton Jr, impliqué de longue date dans l’aventure, présent sur les précédents disques. Ingé-son sur le papier mais bien plus en réalité : mi-réalisateur, mi-directeur artistique. « Il était comme un père pour moi », confie Takana. Sur le carnet noir figurent aussi les noms des guitaristes Winston ‘Bopee’ Bowen (cité sur près de 500 albums !), et Dalton Browne (à peine moins à son actif !). C’est une vraie dream team de musiciens qui avait été constituée pour enregistrer cet album : à la batterie, l’incontournable Lowell ‘Sly’ Dunbar ; à la basse, Danny ‘Axeman’ Thompson ; aux claviers et en binôme au mixage, Stephen Stewart.

Intituler son album « Human Supremacy » est un moyen pour Takana de rappeler que « l’être humain a été mis par le créateur au-dessus de tout, il est responsable de tout ce qui lui arrive ». Lui qui a grandi dans une famille musulmane affirme s’être « libéré de la religion depuis 17 ans » tout en ayant confiance en « l’existence d’une force supérieure ». « Le reggae est une musique qui attache l’homme à des valeurs morales et spirituelles, ou divines. J’ai toujours abordé la musique selon ce principe », insiste Takana, dont la voix compte auprès de la jeunesse guinéenne. Il sait les responsabilités qui découlent de cette notoriété.

Avec la chanson Dans L’Atlantique, il évoque le sort dramatique de ses compatriotes sans emploi qui s’en vont vers l’Europe au péril de leur vie pour échapper à une situation sans avenir (« Fatigués de l’Afrique, ils se jettent dans l’Atlantique »). Une façon aussi d’épingler le régime au pouvoir, qu’il vise à nouveau en français, avec Dirigeants Aveugles, texte au vitriol qui liste les maux dont souffre son pays et l’inaction de ceux qui le gouvernent en modifiant la Constitution à leur souhait pour rester en fonction. « Un jour le peuple se lèvera », prévient le chanteur africain. Cette mise en garde au parfum révolutionnaire rappelle à quel point Takana défend l’héritage du message adressé par le roi du reggae, Bob Marley, disparu il y a tout juste quarante ans.

LE RAYON DE CE LABEL