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Artiste : QUEEN OF THE MEADOW

Album : Survival Of The Unfittest

Label : Only Lovers Records

Sortie : 04/06/2021

Genre : Folk

Cela fait maintenant quatre ans que Queen of the Meadow nous enchante de ses chansons folk délicates que l’on rapproche régulièrement des œuvres de Nick Drake, Vashti Bunyan, Elliott Smith ou encore Judee Sill. Mais il serait temps de s’affranchir de ces figures tutélaires pour saluer à sa juste valeur les cathédrales acoustiques qu’érigent ces duettistes aussi discrets que passionnés, tout en reconnaissant la joie quasiment enfantine ressentie à les entendre chanter en harmonies.

Helen Ferguson s’est mise à l’écriture tardivement, sous l’impulsion viscérale de laisser s’exprimer ses propres démons à travers des mélodies radieuses. De son côté, Julien Pras est connu depuis près de 25 ans comme l’un des plus habiles orfèvres en matière de chansons pop sensibles (Calc, Pull, Mars Red Sky). À eux deux, ils parent des plus belles étoffes des morceaux qu’elle compose dans sa langue natale et surpiquent des instruments dont il retravaille le son dans les moindres détails pour obtenir un habit d’une élégance raffinée, destiné à survivre à l’épreuve du temps et des ré-écoutes. Pari réussi depuis le premier album Aligned with Juniper (sorti chez Tiny Room Rds en 2016) et surtout A Room To Store Happiness (sorti chez Only Lovers Rds en 2018) qui leur a permis de tourner et de conquérir un public sensible à la belle ouvrage, qui dépasse désormais largement la sphère bordelaise initiale.

Il n’est pas question de retranscrire une à une les subtilités des dix chansons de cet album, fruits d’une maturité assumée et d’une complicité évidente entre les deux membres de Queen of The Meadow. Mais dès le morceau d’ouverture de The Survival of the unfittest, on est charmé par la légèreté de l’entrelacement des guitares, l’envolée des voix qui se tournent autour au-dessus des nuages dont gouttent des notes cristallines de piano, la justesse des frappes rythmiques qui balisent l’espace jusqu’à l’apparition d’une marée de halètements qui enflent à vue d’œil. Le morceau monte alors en tension et fait ressentir presque physiquement l’étouffement de cette adolescente face à sa mère sur-protectrice, jusqu’au moment où elles arrivent à se parler (Say « Mother, You smother me ») et que tout s’apaise dans un dernier arpège acoustique. 

Découvrir The Survival of the unfittest, c’est se rappeler la première fois où l’on a bu un vin chaud et qu’on s’est laissé surprendre par le feu d’artifices de saveurs des zestes d’agrumes et des épices qui venaient tour à tour titiller notre palais. Gentiment enivré par les vapeurs de l’alcool, on a fini par en faire tomber quelques gouttes sur la neige immaculée et ces petites taches rouge sombre ont troublé notre félicité, nous posant d’abord question sur leur signification avant de faire remonter quelques phobies ancestrales à la surface que l’on a chassées bien vite en rentrant dans le chalet se servir un autre verre. Helen au contraire est restée là, à observer , à imaginer, à établir des connexions entre le sang versé par les animaux sauvages chassés de leurs territoires (« La Louve ») et la peur suscitée par le pas lourd de l’homme familier que l’on n’osera pas repousser (« One more chance »), la faim qui tenaille sur le chemin de l’exode (« Rose of Sharon ») et la puissance irréversible d’un électro-choc (« Dishonorable discharge »)… 

Ainsi le titre de l’album de Queen of the Meadow que l’on peut traduire par « la survie des plus inadaptés »s’inspire de la théorie d’Herbert Spencer sur la sélection naturelle transposée au domaine économique, qui condamne ceux qui ne sont pas nés avec toutes les chances de leur côté à rester en bas de l’échelle toute leur vie. Mais cette acception s’élargit à tous les types de marginaux et de souffre-douleurs, pour peu que l’on pénètre plus profondément dans les textes. Autre source d’inspiration revendiquée : les femmes qui se battent à leur manière pour se faire entendre et respecter ! Cela passe par la rêverie (« Moonchild »), la violence (« Princess pride »), la manipulation (« The king and the hoe »), la sensualité (« Modesta ») ou la danse (les surimpressions photographiques au collodion de la pochette). Embrassant un point de vue plus intime, Helen n’hésite pas à prendre à témoin sa propre famille pour réconcilier fond et forme dans une ode à la force du lien intergénérationnel qui coule tout au long de « Honey ». Et quand les textes racontent peu, alors les sonorités choisies par Julien prennent le relai, dessinant les mots qui manquent, inventant des univers féériques ou menaçant, sans jamais imposer d’interprétation unilatérale.