Agathe Gallo • La Halte, tournée des friches artistiques

Agathe, fondatrice du podcast La Halte

Tournée des friches artistiques de France

La musique, comme dans un rayon de supermarché, c’est des gros industriels et des petits producteurs locaux. Entre circuit-court, développement de projets artistiques et promotion des talents locaux, Le Rayon t’invite à prendre le café avec ces indés qui font les choses bien ☕️

Aujourd’hui Le Rayon te présente Agathe, fondatrice du podcast La Halte, qui fait pendant un an, la tournée des friches artistiques de France.

On laisse Agathe vous raconter tout ça 👌

La Halte est un projet de podcast dont le thème porte sur les friches culturelles de France. Telle une carte interactive et sonore, rangée par régions, puis par villes, les initiatives des friches culturelles y sont mises en avant à travers une quarantaine d’épisodes. Chaque épisode a pour objectif de s’intéresser de près à l’écosystème de ces lieux incroyables.

De septembre 2022 à juillet 2023, La Halte se déplace donc un peu partout en France, dans chacune des 13 régions suivantes : la Nouvelle-Aquitaine, l’Occitanie, la Provence-Alpes-Côte d’Azur, l’Auvergne-Rhône-Alpes, la Bourgogne Franche Comté, le Centre-Val de Loire, les Pays de la Loire, le Grand-Est, l’Île-de-France, les Hauts-de-France, la Normandie, la Bretagne et la Corse.

Pour se faire, Agathe s’est dotée, d’un camion aménagé en studio de radio pouvant accueillir jusqu’à 4 invités.

Salut Agathe, peux-tu nous raconter comment t’es venue cette idée ?

De mon mémoire de Master qui portait sur les friches culturelles, notamment sur le Confort Moderne (Poitiers) car j’étais en alternance là-bas. Ce mémoire m’a tellement inspirée que j’ai rédigé une centaine de pages au lieu de cinquante prévues à la base.

À la suite, mon tuteur de mémoire m’a proposé de faire une thèse, chose à laquelle je n’avais jamais pensé. Ça ne s’est finalement pas fait car le Confort m’a embauchée après… et ça s’éloignait un peu de ce que je voulais faire à ce moment-là. Je me suis dit que je trouverai un moyen de m’intéresser aux friches d’une autre façon.

Pendant le covid, j’ai trouvé dommage de voir tout ces lieux fermés, tous les artistes bosser de chez eux, sans qu’il n’y ait quelque chose qui se passe autour de ça. C’est à ce moment-là que j’ai eu envie d’aller voir les lieux, mais comme on était restreints au niveau des kilomètres, j’ai mis cette idée de côté, je l’ai mûrie… et puis j’ai eu envie d’allier mon intérêt pour les friches avec ma passion pour la radio, et de visiter ces lieux en faisant des podcasts.

L’idée du van est arrivée ensuite. Au départ, je pensais prendre ma voiture, et j’ai commencé à imaginer me rendre à Lille… ça fait loin pour y aller en voiture et il faut se loger.
C’est là que je me suis dit…

« « Allez je pousse le truc jusqu’au bout ! C’est méga la mode de la vanlife, pourquoi je ne prends pas un van, j’en fais un camion studio et je vais visiter les lieux avec… Et, par la même occasion, je quitte tout : ma maison, mon emploi… et je fais ça full pendant une année !»

© Romain Vix

Quelles ont été les différentes étapes de ta préparation en amont ?

Il y en a eu beaucoup. Quasiment un an et demi de préparation avant de partir, ce qui est énorme.

Il y a eu toute la partie van : l’achat, la réhabilitation (surtout qu’il était bien pourri). On a fait le plus gros des travaux en 12 jours, en s’y mettant de 8h à 20h tous les jours pendant les vacances, pour faire les meubles sur-mesure, la plomberie, l’isolation etc. On a fait ça avec mon beau-frère Ivan qui retape des maisons, à Terra Flor, un écolieu à côté de Cazère.

Ensuite, le boulot est devenu vraiment collectif, une cinquantaine de potes m’ont aidée : entre ceux qui ont collé deux planches et ceux qui ont fait toute la peinture… Tout le monde venait filer un coup de main ! Cette partie là des finitions a duré 4 mois (finitions de peintures, portes de placards…), on le faisait sur notre temps libre, en parallèle du boulot.

Puis, il y a eu toute la partie podcasts : ce à quoi je voulais qu’ils ressemblent, toute la recherche des lieux… Je suis partie d’une carte de France, j’ai pris les lieux que j’avais étudié durant mon mémoire et je suis allée chercher, sur internet ou en me rapprochant des partenaires qui pouvaient m’aider (par exemple Nicolas du RIM) et avec ma sensibilité.

Je voulais vraiment coller avec le terme de « friche artistique » c’est à dire une ancienne friche industrielle reprise pour en faire un lieu culturel.

Il y a aussi eu la grosse partie structuration et recherche de financements : répondre à des appels à projets liés aux podcasts, demander des subventions à la Région, avec la Ville de Poitiers…

Créer l’association aussi, bien sûr, qui a été la première étape ! Je suis partie de Quartier Libre, l’émission que j’avais déjà monté sur Radio Pulsar, qui me permet de créer des podcasts, La halte par exemple, mais il y en a d’autres.

Ça fait vraiment beaucoup de travail en amont, des mois bien intenses tout en bossant à côté. Mais j’ai eu vraiment de la chance d’être bien entourée.

C’est cool parce que j’ai appris plein de trucs, avant je ne savais pas tenir une perceuse maintenant je sais même utiliser une scie sauteuse (rire).

Peux-tu nous faire une visite imaginaire de ton camion-studio ?

T’ouvres la porte latérale où il y a écrit « La Halte, la tournée des friches artistiques en France ».

Tu vois la douche juste en face (qu’on a bien galéré à faire, mais elle est belle alors ça valait le coup). Sur le côté il y a un joli poster de la France (cadeau de ma maman) où je pointe tous les endroits où on est allés. Ça c’est la partie de droite, du côté de l’avant du camion.

Ensuite tu te tournes vers la gauche et il y a tout le reste de la mini maison : une petite table bureau qu’on peut rallonger pour avoir un plan de travail ou un bureau plus grand (petit invention très maline).

Juste en face, t’as la petite cuisine avec deux feux et un petit lavabo. Juste en dessous, tous nos petits rangements pour y mettre la vaisselle en plastique (puisque tout doit être en plastique).

Pour le reste, tout au fond, c’est l’espace salon, qui est aussi le studio radio où je fais les interviews quand j’y mets tout le matériel mobile.

Et une fois qu’il est l’heure de dormir tu rapproches toutes les banquettes pour faire le lit (faut vraiment pas être immense mais au pire tu dors en diagonale). Les toilettes sont des toilettes sèches en forme de banc, rangées dans la douche quand on conduit.

« En fait dans le mini espace du camion, il y a tout en même temps : la salle de bain, le salon, la chambre, la cuisine… comme un appartement parisien (rire) ».

© Elsa Delalande

Un souvenir de tes premières aventures à nous partager ?

Le montage du premier épisode… celui du Confort Moderne (là où je travaillais).

Ecouter ce podcast ici

Autant te dire que j’avais 7h de son… Je me suis demandé comment j’allais faire pour faire un épisode d’1h avec tout ça… mais j’ai fini par y arriver ! Et c’était hyper agréable car, même en y ayant bossé 5 ans, j’ai continué à apprendre des trucs en écoutant les enregistrements. À ce moment-là j’étais dans mon camion à La Rochelle à La Sirène.

« C’est là que je me suis dit « c’est vraiment ce que j’ai envie de faire ». Ça m’a donné plein d’idées pour la suite, des nouvelles questions, des idées pour mieux gérer le temps, mieux gérer l’enregistrement pour avoir moins de rush… »

© Elsa Delalande

Au contraire, un moment plus compliqué survenu sur ta route ?

Je voulais absolument passer à La Petite maison Rouge à Feltin, c’était quand même à 5h de route. En arrivant, il n’y avait personne pour nous accueillir. On a dormi sur un parking un peu glauque, sans eau, ni électricité.

Normalement, le deal de notre venue, c’est que l’on puisse se recharger eau et électricité sur le lieu qui nous accueille, c’est la seule chose que l’on demande car le podcast est 100 % bénévole et, bien sûr, on ne fait pas payer les podcasts.

On s’est dit que ce n’était pas grave, que l’on pourrait se recharger le lendemain. Sauf que le lendemain, ce n’était pas possible non plus, personne n’était au courant de notre venue, et les prochains bénévoles n’arrivaient pas avant deux jours… Comme on ne pouvait pas rester deux jours dans ces conditions, on a dû repartir… On a fait 10h de route pour rien.

C’était un peu le coup dur car se déplacer génère des coûts… surtout quand on est bénévoles. Et puis, on était déçus de ne pas découvrir le lieu. Ça a sûrement été une mauvaise communication entre eux. J’y retournerai, plus tard… C’est les aléas de l’aventure !

Comment est-tu financée pour ce projet ?

Les financements, sont surtout venus de la Ville de Poitiers, qui m’a aidée à investir dans la partie studio de radio et la partie mobile. Ensuite il y a eu une subvention du Confort Moderne pour m’aider sur toute la partie logistique.

J’ai aussi lancé un financement participatif, j’ai réussi à lever 3000€ sur les 5000€ que j’espérais, mais j’étais déjà très contente.

Je suis toujours à la recherche de financements, je continue à faire des demandes au niveau de la région, du département… Ce qui est compliqué avec le projet c’est qu’il est national et qu’il ne rentre pas forcément dans les cases de la Ville et de la Région.

Il est aussi possible d’adhérer au projet pour le soutenir > lien pour soutenir le projet ici.

Je suis complètement bénévole, c’est pourquoi toutes les adhésions sont bonnes à prendre !

Un bon conseil que tu donnerais à quelqu’un qui voudrait se lancer dans une tournée de podcasts ?

Sur la partie podcasts, ce serait d’investir dans du bon matériel : sans ça la qualité de ton podcast ne sera pas la même : un bon micro, un bon zoom, ça c’est mon premier conseil !

Pour la partie van, c’est d’être bien entouré pour réhabiliter son camion, parce que c’est long, fastidieux, on se prend bien la tête pour ne pas avoir d’infiltration d’eau, etc. Et prendre bien le temps de le faire ! C’est mes petits conseils.

Peux-tu nous teaser un peu tes prochains podcasts ?

Je fais des hors séries, je ne m’arrête pas seulement aux podcasts sur des visites de friches, j’interviewe aussi des acteurs incontournables qui ont bercé leur début  : par exemple, un entretien de 2h30 avec Fazette Bordage qui est pour moi la légende des friches artistiques (fondatrice du Confort Moderne et de Mains d’Oeuvres à Saint-Ouen), ou une interview du fondateur de la friche La Belle de Mai.

Je fais aussi des hors séries sur des endroits hyper cools que je découvre, par exemple là je vais en sortir un sur un marché pas très loin de Toulouse, un petit marché où il y a énormément de producteurs de plein d’horizons différents, il y a par exemple beaucoup de personnes d’Amérique latine… on ne se croirait pas du tout en France , on pourrait se croire en Argentine !

Et à Amsterdam récemment, j’ai eu très envie de lancer une version Européenne de La Halte. Peut-être un nouveau projet à venir…

© Elsa Delalande

Pour suivre les actus de La Halte :

Pauline • Co-fondatrice de Venus Club

Pauline, co-fondatrice du collectif

Venus Club

La musique, comme dans un rayon de supermarché, c’est des gros industriels et des petits producteurs locaux. Entre circuit-court, développement de projets artistiques et promotion des talents locaux, Le Rayon t’invite à prendre le café avec ces indés qui font les choses bien ☕️

Aujourd’hui Le Rayon te présente Pauline, co-fondatrice de Venus Club, collectif exclusivement féminin dont l’objectif est d’aider les femmes à trouver leur place dans un milieu majoritairement masculin. On laisse Pauline vous raconter tout ça 👌

Suis leurs actus ici :

INTERVIEW • Ophélie • Manageuse, productrice, bookeuse

Ophélie, co-fondatrice et coordinatrice de Lagon Noir

Le Rayon te propose de partir à la rencontre des passioné·e·s qui font vivre la musique en Nouvelle-Aquitaine. Entre circuit-court, développement de projets artistiques locaux et promotion des talents de la région, on t’invite à prendre le café avec les pros du microsillon.

Aujourd’hui Le Rayon te présente Ophélie, co-fondatrice et coordinatrice de Lagon Noir, une structure qui accompagne les artistes dans le développement de leur carrière et de leur projet artistique.

Salut Ophélie, pour commencer, pourrais-tu définir ce qu’est Lagon Noir ?

Lagon Noir c’est une structure qui accompagne des artistes, tant sur le plan de la production et de la diffusion de concerts, que (plus ponctuellement) sur le plan de la production et de l’édition phonographique.

Tu travailles donc directement aux côtés des artistes… quel est l’élément principal qui guide ta recherche de projets?

Tous les artistes de Lagon ont intégré la structure parce qu’il y a eu un coup de cœur sur le live. Pour moi c’est vraiment le concert qui est primordial, c’est-à-dire que j’ai du mal à envisager d’accompagner un groupe que je n’ai jamais vu sur scène. Et puis, évidemment, il y a la question de l’esthétique qui entre en compte, parce que je fais attention à ce que ce soit assez cohérent, mais en même temps je ne suis jamais à l’abri d’une surprise dans un registre musical un peu inattendu, ça arrive aussi.

Très concrètement comment tu procèdes ?

Il y a des artistes que je connaissais avant la création de Lagon Noir, avec qui j’avais déjà eu des échanges en travaillant dans des festivals où je les ai accueillis (j’ai fait pas mal d’accueil artiste avant de monter ce projet) : comme les Sweat Like An Ape ou les Blackbird Hill.

Ces groupes m’ont suivie au moment de la création. D’ailleurs ils faisaient partie des premiers artistes. Ensuite, il y a des artistes que je connaissais aussi parce que je les croisais souvent. C’est un petit réseau finalement, on se connaît tous. Il y en a que je connaissais, avec qui je ne pensais pas forcément avoir l’occasion de travailler un jour et puis l’opportunité s’est présentée : je pense à I Am Stramgram par exemple.

Les artistes qui ne sont pas en Nouvelle-Aquitaine, je les ai découverts en allant à des concerts avec des artistes de Lagon Noir ou à titre personnel. Par exemple pour le groupe The Swinging Dice qui se trouve dans la campagne au nord de Paris, la rencontre s’est faite lorsque j’accompagnais Blackbird Hill au festival Celebration Days. The Swinging Dice y jouait, faisaient aussi partie de l’orga du festival et ils ont apprécié Blackbird Hill. Par la suite ils leur ont écrit « voilà, on a regardé un peu ce que vous faîtes et on a vu qu’il y avait quelqu’un qui vous aidait, etc ». La discussion s’est enclenchée entre eux et c’était assez marrant parce que de notre côté aussi, on a tous eu un coup de coeur pour leur groupe, moi j’avais vraiment flashé. En fait, il y a eu ce coup de coeur mutuel entre les deux groupes qui a aussi créé une occasion pour moi.

Une vraie synergie quoi !

Ouais carrément ! C’est cool quand ça se passe comme ça !

Pour parler un peu phono, quels sont pour toi les éléments qui font la réussite d’un disque ?

Alors c’est pas évident parce que je ne pense pas qu’il y ait de recette spéciale. On voit bien que parfois tu as une recette qui va fonctionner avec un artiste et qui ne va pas du tout fonctionner avec un autre. Il n’y a pas tellement de règle.

Ça signifie quoi pour toi d’appliquer une recette dans la production d’un disque ?

En ce qui me concerne et en ce qui concerne mes goûts, pour qu’un disque soit réussi, il faut que l’artiste ait trouvé un équilibre entre une qualité de son, une qualité dans l’écriture (des textes et de la musique), et en plus qu’il ait réussi à apporter un brin de folie ou d’originalité, quelque chose qui va le rendre singulier et qui fera que sa proposition sortira un peu du « lot ».

Donc il faut que ça déborde …

Quelque part ouais. J’aime bien aussi les artistes qui assument leurs influences et qui vont même les exacerber à fond.

Si on change de focale et qu’on se met du point de vue de l’auditeur, dans la recherche musicale, quelles sont les qualités d’un parfait digger ?

Pour moi c’est le ou la curieux·se par excellence, qui va pas avoir peur d’écouter des kilomètres de son et de fouiller pendant des heures dans les bacs pour trouver la petite pépite ou pour revenir te dire « j’ai découvert un groupe de hip-hop palestinien ou un groupe de rock khmer », un truc improbable quoi. Et puis autre point important à mon sens, c’est quelqu’un qui va favoriser le circuit-court et les emplettes responsables, qui va aller se servir chez son disquaire, qu’il connaît, avec qui il a des échanges humains et évidemment qui ne va pas se rendre chez les « supermarchés de la culture ». Et puis même sur le numérique, quelqu’un qui va plutôt aller fouiller sur Bandcamp que sur Spotify.

Le développement artistique local est quelque chose qui t’anime manifestement, comment ça se traduit ?

« pour bien travailler j’ai besoin de lien. Nos métiers sont basés sur l’humain »

Avant qu’elle arrive sous les feux de la rampe, je m’étais pas vraiment posé cette question directement. Je me suis plutôt rendue compte que mes actions étaient inconsciemment tournées vers le local. Sur 9 artistes de Lagon Noir, seulement 3 ne sont pas basés en Nouvelle-Aquitaine. Ces 3 là sont quand même français donc on reste quand même sur du circuit-court. Je crois que la raison principale à ça, c’est que pour bien travailler j’ai besoin de lien. Nos métiers sont basés sur l’humain, chose qu’on a parfois un peu tendance à oublier malheureusement.

Je me vois mal travailler des projets avec des artistes ou des professionnels de leur entourage que je ne verrais jamais. Je l’ai déjà fait, j’ai travaillé pour un tourneur un peu plus gros à une époque, et ça m’a découragée de n’être quasiment jamais au contact des gens avec lesquels je travaillais au niveau artistique et j’ai pas vraiment tissé de liens avec eux, tout passait par mail ou par téléphone. Je trouvais ça un peu triste. Donc c’est une des raison principales, j’ai besoin d’être au contact des gens que je défends.

Et je pense qu’on a la chance d’avoir un vrai foyer de création sur notre territoire. Donc j’ai envie de le valoriser. Et je ne vois pas trop pourquoi j’irais chercher en Chine un truc qu’on fait très bien à côté de chez moi.

Ça rejoint ce que tu disais tout à l’heure, les histoires de rencontres que tu peux tisser dans ce métier…

Exactement, l’humain avant tout !

Le contexte général du secteur culturel est très porté sur le numérique, mouvement qui ne date pas que des derniers mois très particuliers, la numérisation date déjà de plusieurs années. Tu portes quel regard là-dessus ?

« je trouve que la culture a besoin d’un écosystème de liens entre les auteurs, les producteurs, les distributeurs et le public ».

Je suis assez partagée. D’une part, je trouve que la numérisation de la culture a quand même un rôle intéressant dans l’accès à la culture pour le plus grand nombre, parce que grâce à ça tu peux vivre à Berlin et visiter virtuellement un musée, écouter un petit artiste ou lire un auteur qui sont à l’autre bout du monde. Ça c’est le côté progrès. Et puis aussi pour les personnes qui n’ont pas forcément les moyens. Tout ça a quand même un coût. Donc je trouve que la numérisation a permis cet accès à des contenus auxquels certains n’avaient pas forcément accès jusque là, ou en tout cas pas si facilement.

En parallèle, contrairement aux produits de la consommation courante, je trouve que la culture a besoin d’un écosystème de liens entre les auteurs, les producteurs, les distributeurs et le public. Et ça, avec Internet, ça a tendance à beaucoup nous échapper. C’est là que le danger se trouve. Il y a une sorte de dépendance qui s’est créée. La numérisation pour nous, professionnels du spectacle, est devenue nécessaire pour exister. Quand on voit évoluer la pratique des consommateurs, finalement c’est devenu un peu la base pour nous pour se développer économiquement et pour exister auprès d’eux. Ça, je le déplore parce que je préfère être au contact du public, au contact physique, les rencontrer à la fin des concerts, discuter, les voir applaudir, plutôt que de passer ma journée à « communiquer » assise derrière mon écran d’ordi. Je trouve que les limites sont là.

Quand tu commences à t’intéresser aux chiffres plus qu’au ressenti des gens, ça peut pervertir le rapport au public, aboutir à une conception de l’action culturelle de moins en moins séparée de celle du commercial ou du marketeur classique…

Totalement…
Et puisqu’on parle de chiffres, je me suis intéressée à la fréquentation des salles de concert et je trouve ça dommage de lire que les moins de 20 ans n’y mettent plus les pieds car ils préfèrent regarder des « artistes » sur YouTube. Je trouve qu’on perd certains essentiels et c’est là que pour moi on atteint la limite.

Donc le numérique est un outil formidable mais attention…

Tout est une question d’usage. Si t’en fais bon usage, un usage intelligent… Je vais pas faire de la langue de bois, moi aussi j’utilise Deezer, Spotify ou YouTube. Mais à côté de ça, quand il y a un artiste sur qui je flashe, je vais lui acheter un disque. Je sais que ses revenus sont plus probants là qu’avec mes écoutes sur les plateformes donc tout est question d’équilibre et tout est question de la façon de consommer en fin de compte. Ça rejoint un peu ce que j’ai dit jusque là.

Pour revenir sur le côté humain : comment traduirais-tu en mots le rapport avec les artistes que tu produis ?

Souvent en plus d’un coup de coeur artistique, il y a un coup de coeur humain. Je suis contente de travailler avec des gens chouettes. Ça m’est arrivé d’apprécier des artistes sur scène mais que le courant ne passe pas du tout humainement par après. J’ai un rapport particulier avec tous les artistes qui sont chez Lagon Noir. Certains sont assez autonomes et moi je suis là en renfort sur des points clés, comme aller chercher des partenaires professionnels pour sortir un disque ou bien un attaché de presse… Donc un rôle plutôt de pivot. À côté de ça il y en a qui vont me solliciter tous les jours, qui ont besoin d’avoir un avis extérieur au leur pour quasiment toutes leurs décisions. Tout ça, c’est ce que j’apprécie dans mon travail, c’est que je ne fais jamais la même chose de la même façon. Ça varie vraiment en fonction des artistes dont il sera question.

Quels sont les projets sur le feu chez Lagon Noir ?

Nous avons plein de projets pour 2021/2022, ça se bouscule ! Pénélope sort son premier album le 8 octobre là.

Il y a Steve Amber qui vient d’annoncer la sortie d’un premier album en mars-avril 2022. Et il y a S.B.R.B.S, qui fait depuis quelques temps des sorties au titre par titre et qui va enfin sortir un album également en 2022 (un premier single devrait sortir courant novembre).
Blackbird Hill est en train de préparer son deuxième album. Pour eux ça a été dur car le premier est sorti mi-février 2020, il eu un petit écho intéressant côté médias et publics. Ils ont eu de chouettes chroniques etc.

On a pu faire une belle release party au Krakatoa. Et là tout s’est arrêté alors qu’il y avait une trentaine de dates qui était prévues, avec un peu d’étranger et tout donc on s’est fait couper l’herbe sous les pieds. Mais c’est pas grave, ils remontent en selle ! On va recommencer (rires).

Et puis enfin la petite nouveauté c’est qu’on a co-produit un spectacle pour le jeune public avec Arema Rock&Chanson. Il s’appelle Léa et la boîte à colère et il s’adresse aux enfants de 4 à 7 ans. Je suis ravie d’avoir cette nouveauté 🙂

On garde la motiv, c’est un message important !

Carrément !

sortie promo pénélope le rayon du rim
lagon-noir-le-rayon-du-rim
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INTERVIEW • Monsieur Le Rayon

Manu, chargé de la promotion et de la distribution des disques Le Rayon

Emmanuel est la figure de proue du Rayon. C’est lui qui centralise les disques produits par les labels néo-aquitains et les distribue dans nos points de vente partenaires. Au volant de son van et son bac à disques sous le bras, il parcourt la région pour rencontrer celles et ceux qui font vivre la musique indépendante, et déposer près de chez vous toutes leurs pépites sonores.

Pour le rencontrer, devenir partenaire Le Rayon ou juste lui envoyer un mot doux : emmanuel . castel @ le – rim . org

FOCUS • Ricochet Sonore • Paroles d’artistes à l’arrêt

Ricochet sonore donne la parole aux artistes et professionnels de la musique, à l’arrêt durant la crise

Le Rayon te propose de partir à la rencontre des passioné·e·s qui font vivre la musique en Nouvelle-Aquitaine. Entre circuit-court, développement de projets artistiques locaux et promotion des talents de la région, on t’invite à prendre le café avec les pros du microsillon.

Aujourd’hui Le Rayon te présente le projet de Ricochet Sonore, qui, alors que le secteur artistique était à l’arrêt, a capté les témoignages d’artistes et de professionnels de la musique en Nouvelle-Aquitaine… À travers cette série de capsules sonores Ricochet Sonore nous montre comment ils et elles ont su s’adapter pour que la musique perdure dans nos oreilles.

À chaque épisode, sa rencontre…

  • Épisode 1 :à la rencontre d’Alfred et Hortense, spectacle initialement programmé en novembre par La Boîte À Jouer, qui malgré son annulation, a pu bénéficier d’une résidence de création en novembre au Théâtre Le Cerisier.
  • Épisode 2 : à la découverte du CIAM, école de musiques actuelles, qui a tenté de s’adapter pour maintenir ses activités de transmission malgré la crise sanitaire.
  • Épisode 3 : À la rencontre de Titouan et du groupe Chelabôm, des musiciens confinés dans leurs studios ou leurs caves qui n’ont pas cesser de créer et de chercher de nouvelles formes d’expressions même sans concert ni public, afin que la musique perdure dans nos oreilles.

Retrouvez tous les podcasts sur leur page Soundcloud ainsi que tous les autres podcast sur la page Soundcloud de Bordeaux Culture.

À propos de Ricochet Sonore

L’association Ricochet Sonore a été fondée en octobre 2014 par des passionnés de musique, convaincus qu’elle est un formidable vecteur de rencontre et de partage. Ce projet est le fruit d’une longue réflexion concernant l’accès à la culture, les liens entre musiques actuelles et éducation populaire, ainsi que d’expériences bénévoles et professionnelles dans les domaines des musiques actuelles et de l’animation socioculturelle.