Agathe, fondatrice du podcast La Halte
Tournée des friches artistiques de France
La musique, comme dans un rayon de supermarché, c’est des gros industriels et des petits producteurs locaux. Entre circuit-court, développement de projets artistiques et promotion des talents locaux, Le Rayon t’invite à prendre le café avec ces indés qui font les choses bien ☕️
Aujourd’hui Le Rayon te présente Agathe, fondatrice du podcast La Halte, qui fait pendant un an, la tournée des friches artistiques de France.
On laisse Agathe vous raconter tout ça 👌
La Halte est un projet de podcast dont le thème porte sur les friches culturelles de France. Telle une carte interactive et sonore, rangée par régions, puis par villes, les initiatives des friches culturelles y sont mises en avant à travers une quarantaine d’épisodes. Chaque épisode a pour objectif de s’intéresser de près à l’écosystème de ces lieux incroyables.
De septembre 2022 à juillet 2023, La Halte se déplace donc un peu partout en France, dans chacune des 13 régions suivantes : la Nouvelle-Aquitaine, l’Occitanie, la Provence-Alpes-Côte d’Azur, l’Auvergne-Rhône-Alpes, la Bourgogne Franche Comté, le Centre-Val de Loire, les Pays de la Loire, le Grand-Est, l’Île-de-France, les Hauts-de-France, la Normandie, la Bretagne et la Corse.
Pour se faire, Agathe s’est dotée, d’un camion aménagé en studio de radio pouvant accueillir jusqu’à 4 invités.
Salut Agathe, peux-tu nous raconter comment t’es venue cette idée ?
De mon mémoire de Master qui portait sur les friches culturelles, notamment sur le Confort Moderne (Poitiers) car j’étais en alternance là-bas. Ce mémoire m’a tellement inspirée que j’ai rédigé une centaine de pages au lieu de cinquante prévues à la base.
À la suite, mon tuteur de mémoire m’a proposé de faire une thèse, chose à laquelle je n’avais jamais pensé. Ça ne s’est finalement pas fait car le Confort m’a embauchée après… et ça s’éloignait un peu de ce que je voulais faire à ce moment-là. Je me suis dit que je trouverai un moyen de m’intéresser aux friches d’une autre façon.
Pendant le covid, j’ai trouvé dommage de voir tout ces lieux fermés, tous les artistes bosser de chez eux, sans qu’il n’y ait quelque chose qui se passe autour de ça. C’est à ce moment-là que j’ai eu envie d’aller voir les lieux, mais comme on était restreints au niveau des kilomètres, j’ai mis cette idée de côté, je l’ai mûrie… et puis j’ai eu envie d’allier mon intérêt pour les friches avec ma passion pour la radio, et de visiter ces lieux en faisant des podcasts.
L’idée du van est arrivée ensuite. Au départ, je pensais prendre ma voiture, et j’ai commencé à imaginer me rendre à Lille… ça fait loin pour y aller en voiture et il faut se loger.
C’est là que je me suis dit…
« « Allez je pousse le truc jusqu’au bout ! C’est méga la mode de la vanlife, pourquoi je ne prends pas un van, j’en fais un camion studio et je vais visiter les lieux avec… Et, par la même occasion, je quitte tout : ma maison, mon emploi… et je fais ça full pendant une année !»
© Romain Vix
Quelles ont été les différentes étapes de ta préparation en amont ?
Il y en a eu beaucoup. Quasiment un an et demi de préparation avant de partir, ce qui est énorme.
Il y a eu toute la partie van : l’achat, la réhabilitation (surtout qu’il était bien pourri). On a fait le plus gros des travaux en 12 jours, en s’y mettant de 8h à 20h tous les jours pendant les vacances, pour faire les meubles sur-mesure, la plomberie, l’isolation etc. On a fait ça avec mon beau-frère Ivan qui retape des maisons, à Terra Flor, un écolieu à côté de Cazère.
Ensuite, le boulot est devenu vraiment collectif, une cinquantaine de potes m’ont aidée : entre ceux qui ont collé deux planches et ceux qui ont fait toute la peinture… Tout le monde venait filer un coup de main ! Cette partie là des finitions a duré 4 mois (finitions de peintures, portes de placards…), on le faisait sur notre temps libre, en parallèle du boulot.
Puis, il y a eu toute la partie podcasts : ce à quoi je voulais qu’ils ressemblent, toute la recherche des lieux… Je suis partie d’une carte de France, j’ai pris les lieux que j’avais étudié durant mon mémoire et je suis allée chercher, sur internet ou en me rapprochant des partenaires qui pouvaient m’aider (par exemple Nicolas du RIM) et avec ma sensibilité.
Je voulais vraiment coller avec le terme de « friche artistique » c’est à dire une ancienne friche industrielle reprise pour en faire un lieu culturel.
Il y a aussi eu la grosse partie structuration et recherche de financements : répondre à des appels à projets liés aux podcasts, demander des subventions à la Région, avec la Ville de Poitiers…
Créer l’association aussi, bien sûr, qui a été la première étape ! Je suis partie de Quartier Libre, l’émission que j’avais déjà monté sur Radio Pulsar, qui me permet de créer des podcasts, La halte par exemple, mais il y en a d’autres.
Ça fait vraiment beaucoup de travail en amont, des mois bien intenses tout en bossant à côté. Mais j’ai eu vraiment de la chance d’être bien entourée.
C’est cool parce que j’ai appris plein de trucs, avant je ne savais pas tenir une perceuse maintenant je sais même utiliser une scie sauteuse (rire).
Peux-tu nous faire une visite imaginaire de ton camion-studio ?
T’ouvres la porte latérale où il y a écrit « La Halte, la tournée des friches artistiques en France ».
Tu vois la douche juste en face (qu’on a bien galéré à faire, mais elle est belle alors ça valait le coup). Sur le côté il y a un joli poster de la France (cadeau de ma maman) où je pointe tous les endroits où on est allés. Ça c’est la partie de droite, du côté de l’avant du camion.
Ensuite tu te tournes vers la gauche et il y a tout le reste de la mini maison : une petite table bureau qu’on peut rallonger pour avoir un plan de travail ou un bureau plus grand (petit invention très maline).
Juste en face, t’as la petite cuisine avec deux feux et un petit lavabo. Juste en dessous, tous nos petits rangements pour y mettre la vaisselle en plastique (puisque tout doit être en plastique).
Pour le reste, tout au fond, c’est l’espace salon, qui est aussi le studio radio où je fais les interviews quand j’y mets tout le matériel mobile.
Et une fois qu’il est l’heure de dormir tu rapproches toutes les banquettes pour faire le lit (faut vraiment pas être immense mais au pire tu dors en diagonale). Les toilettes sont des toilettes sèches en forme de banc, rangées dans la douche quand on conduit.
« En fait dans le mini espace du camion, il y a tout en même temps : la salle de bain, le salon, la chambre, la cuisine… comme un appartement parisien (rire) ».
© Elsa Delalande
Un souvenir de tes premières aventures à nous partager ?
Le montage du premier épisode… celui du Confort Moderne (là où je travaillais).
Autant te dire que j’avais 7h de son… Je me suis demandé comment j’allais faire pour faire un épisode d’1h avec tout ça… mais j’ai fini par y arriver ! Et c’était hyper agréable car, même en y ayant bossé 5 ans, j’ai continué à apprendre des trucs en écoutant les enregistrements. À ce moment-là j’étais dans mon camion à La Rochelle à La Sirène.
« C’est là que je me suis dit « c’est vraiment ce que j’ai envie de faire ». Ça m’a donné plein d’idées pour la suite, des nouvelles questions, des idées pour mieux gérer le temps, mieux gérer l’enregistrement pour avoir moins de rush… »
© Elsa Delalande
Au contraire, un moment plus compliqué survenu sur ta route ?
Je voulais absolument passer à La Petite maison Rouge à Feltin, c’était quand même à 5h de route. En arrivant, il n’y avait personne pour nous accueillir. On a dormi sur un parking un peu glauque, sans eau, ni électricité.
Normalement, le deal de notre venue, c’est que l’on puisse se recharger eau et électricité sur le lieu qui nous accueille, c’est la seule chose que l’on demande car le podcast est 100 % bénévole et, bien sûr, on ne fait pas payer les podcasts.
On s’est dit que ce n’était pas grave, que l’on pourrait se recharger le lendemain. Sauf que le lendemain, ce n’était pas possible non plus, personne n’était au courant de notre venue, et les prochains bénévoles n’arrivaient pas avant deux jours… Comme on ne pouvait pas rester deux jours dans ces conditions, on a dû repartir… On a fait 10h de route pour rien.
C’était un peu le coup dur car se déplacer génère des coûts… surtout quand on est bénévoles. Et puis, on était déçus de ne pas découvrir le lieu. Ça a sûrement été une mauvaise communication entre eux. J’y retournerai, plus tard… C’est les aléas de l’aventure !
Comment est-tu financée pour ce projet ?
Les financements, sont surtout venus de la Ville de Poitiers, qui m’a aidée à investir dans la partie studio de radio et la partie mobile. Ensuite il y a eu une subvention du Confort Moderne pour m’aider sur toute la partie logistique.
J’ai aussi lancé un financement participatif, j’ai réussi à lever 3000€ sur les 5000€ que j’espérais, mais j’étais déjà très contente.
Je suis toujours à la recherche de financements, je continue à faire des demandes au niveau de la région, du département… Ce qui est compliqué avec le projet c’est qu’il est national et qu’il ne rentre pas forcément dans les cases de la Ville et de la Région.
Il est aussi possible d’adhérer au projet pour le soutenir > lien pour soutenir le projet ici.
Je suis complètement bénévole, c’est pourquoi toutes les adhésions sont bonnes à prendre !
Un bon conseil que tu donnerais à quelqu’un qui voudrait se lancer dans une tournée de podcasts ?
Sur la partie podcasts, ce serait d’investir dans du bon matériel : sans ça la qualité de ton podcast ne sera pas la même : un bon micro, un bon zoom, ça c’est mon premier conseil !
Pour la partie van, c’est d’être bien entouré pour réhabiliter son camion, parce que c’est long, fastidieux, on se prend bien la tête pour ne pas avoir d’infiltration d’eau, etc. Et prendre bien le temps de le faire ! C’est mes petits conseils.
Peux-tu nous teaser un peu tes prochains podcasts ?
Je fais des hors séries, je ne m’arrête pas seulement aux podcasts sur des visites de friches, j’interviewe aussi des acteurs incontournables qui ont bercé leur début : par exemple, un entretien de 2h30 avec Fazette Bordage qui est pour moi la légende des friches artistiques (fondatrice du Confort Moderne et de Mains d’Oeuvres à Saint-Ouen), ou une interview du fondateur de la friche La Belle de Mai.
Je fais aussi des hors séries sur des endroits hyper cools que je découvre, par exemple là je vais en sortir un sur un marché pas très loin de Toulouse, un petit marché où il y a énormément de producteurs de plein d’horizons différents, il y a par exemple beaucoup de personnes d’Amérique latine… on ne se croirait pas du tout en France , on pourrait se croire en Argentine !
Et à Amsterdam récemment, j’ai eu très envie de lancer une version Européenne de La Halte. Peut-être un nouveau projet à venir…
© Elsa Delalande