San Salvador, Lauréat des victoires du jazz dans la catégorie « musiques du monde »

Le Rayon te propose de partir à la rencontre des passioné·e·s qui font vivre la musique en Nouvelle-Aquitaine. Entre circuit-court, développement de projets artistiques locaux et promotion des talents de la région, on t’invite à prendre le café avec les pros du microsillon.

Aujourd’hui Le Rayon te présente Gabriel, chanteur tambourin du groupe de musique San Salvador, lauréat des victoires du jazz pour le meilleur album « Musiques du monde ». San Salvador, c’est six voix, deux toms, douze mains et un tambourin alliant l’énergie et la poésie brute des musiques populaires à une orchestration savante.

Vous êtes ami.e.s de longue date, d’où vous est venue l’envie de créer San Salvador ?

Ce groupe est le fruit d’un long processus depuis notre enfance. Nous chantons et jouons de la musique ensemble depuis tout petits. Le « groupe » en ce sens existe depuis bien longtemps. Notre envie a toujours été de continuer à écrire cette histoire-là.

Le Rayon du RIM Nouvelle-Aquitaine San Salvador Victoires de la Musique

Comment décririez-vous votre musique ?

Nous venons des musiques populaires de tradition orale. Nous chantons en polyphonie des musiques qui traditionnellement ne se chantent pas de cette manière, ici en Corrèze. Notre périmètre à nous c’est les moyennes montagnes du Massif Central. Notre travail est de faire émerger une nouvelle musique pour ces paysages qui sont les nôtres, tant géographiques qu’humains. Nous inventons et ré-inventons de toutes pièces des éléments d’un patrimoine fictif ; celui que nous nous fabriquons. Cela résume en quelque sorte notre rapport et notre exigence vis-à-vis des musiques traditionnelles. Être fidèle à l’esprit plutôt qu’à la lettre de ces héritages musicaux. Savoir les saisir, les comprendre, les transformer, les continuer…

Comment définiriez-vous vos relations avec le label Pagans ?

Nous avons sollicité Pagans pour participer à l’aventure de production de notre disque (en co-production avec notre propre label que nous avons fondé en 2020). Le label Pagans s’est monté à un moment où les musiques traditionnelles en France piétinaient. Ils ont contribué, je crois, à ré-enclencher des dynamiques de créations sur nos esthétiques. Nous souhaitions participer, être solidaire, de ce mouvement-là. Nous menons par ailleurs d’autres actions, en commun avec Hart Brut, sur nos enjeux des musiques populaires en Nouvelle-Aquitaine.

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En quoi est-ce important pour vous d’incarner et de faire vivre ces chants traditionnels ?

Pour moi, ils permettent de mieux déconstruire certaines idées reçues sur les questions d’identité, de « traditions ». Les milieux conservateurs et l’extrême droite en France entretiennent l’idée que nous vivions en France dans une forme d’unanimité et de pérennité de la tradition. L’étude de cesdites traditions permet, en réalité, de s’apercevoir que tout ceci a toujours été très mobile, fait de constructions, de déconstructions, d’apports successifs. Et que ces traditions n’ont cessé de s’adapter. C’est, en quelque sorte, un enseignement pour aujourd’hui. Nous pouvons tout à fait avoir le goût des musiques traditionnelles et être tout à fait en phase avec les enjeux de nos sociétés contemporaines.

Les Victoires du Jazz, ce n’est pas rien… qu’est-ce qui vous a permis, selon vous, d’atteindre un tel rayonnement ?

Plusieurs années de travail, d’engagement, de solidarité et de fidélité entre nous et avec les gens, ici, qui nous entourent. Nous ne croyons qu’à cela.

Qu’est-ce qui fait un bon concert selon vous ? Et un bon disque ?

Pour moi l’important est de réussir à faire du concert un acte de musique « total ». Il nous importe de tout fabriquer depuis le plateau, à vue. Sans artifice. Et de façon artisanale. Je crois que l’on sous-estime la notion de regard dans un concert. Pour moi il faut pouvoir voir ce que l’on entend.
C’est ce qui m’a par ailleurs grandement inquiété pour le disque. J’avais peur que nous ne puissions pas VOIR la musique. Nous avons travaillé avec l’ingénieur du son sur une grande proximité des voix et des percussions. Essayer de forcer l’auditeur à se créer une image du son.

Le dernier album / morceau qui vous a fait dresser les poils ?

« Ho capito che ti amo » de Luigi Tenco. (Ahaha) > écoutez-ça ici

Quel est votre meilleur souvenir lors d’un concert ?

Un concert au Womad en Angleterre. Entre deux morceaux au milieu du set. Impossible d’enchaîner et de passer au morceau suivant. Le public applaudissait. Dès que nous cherchions à commencer le morceau suivant, ils applaudissaient encore, sifflaient… Ils nous ont véritablement empêchés de reprendre. C’était très touchant et cela paraissait interminable. Cela a duré sans doute 1-2 min en vrai mais c’était vraiment impressionnant.

Un groupe, un artiste, un collectif régional avec lequel vous aimeriez collaborer ?

Hart Brut …ahaha

Non sinon ils ne sont pas de la région mais je rêve de travailler avec la Cie Baro D’Evel. Des espèces de circassiens augmentés qui savent tout faire bien. Hyper classe. Fin. Chirurgical. Aérien. Bref…Ils sont vraiment trop forts

> découvrir + sur la Cie Baro d’Evel.

Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à un groupe de musique qui se lance ?

Un peu comme au-dessus. Pour moi le plus important est de prendre racine collectivement. Il faut avoir le désir d’un collectif humain. La Musique. Le Hors-Musique. L’industrie de la musique, comme tout type de marché, ne récompense que la performance individuelle. L’auteur-compositeur-interprète qui vend sa force de travail sur un marché et s’entoure des musiciens adéquats pour réaliser son projet. Or, un groupe de musique c’est tout le contraire. C’est avant tout une somme d’individualité. Une identité musicale façonnée et mise en commun par plusieurs personnes à la fois.

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Et pour finir, quels sont vos projets sur le feu pour les prochains mois ?

Nous sommes en longues pauses dédiées à des projets de maternité et de paternité au sein du groupe. Quelques concerts entre deux enfants en Décembre. Nous reprendrons véritablement la tournée en Europe en Mai et Juin 22. Aux USA en Juillet et en Septembre. Puis nous serons en résidence à l’OARA à Bordeaux au mois d’Octobre pour commencer notre nouvelle création.